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Le staphylocoque doré (ou Staphylococcus aureus) est la bactérie à l’origine des infections les plus graves et les plus fréquentes en France, notamment chez les patients hospitalisés (infections nosocomiales). Cette bactérie, qui colonise environ un tiers de la population générale en bonne santé, devient particulièrement dangereuse lorsqu’elle passe dans le sang et gagne ainsi tout l’organisme : on parle alors de bactériémies à staphylocoques dorés (BSA), anciennement appelées septicémies. Avec une incidence qui a doublé au cours des dix dernières années en Europe, les BSA figurent parmi les maladies infectieuses émergentes les plus meurtrières, tuant dans un délai de trois mois
entre un quart et un tiers des patients. Une hausse que l’on doit notamment à l’augmentation des facteurs de risques : une population vieillissante davantage sujette aux piqûres, perfusions, etc. ; des maladies avec lesquelles nous vivons mieux mais dont les traitements – prothèses, pacemakers, cathéters, chimiothérapies, dialyses, etc. – exposent davantage à cette bactérie…
Dans ce contexte, un consortium international s’est monté avec une philosophie : plus nous unirons nos forces, plus vite nous ferons progresser la recherche. Baptisée SNAP, cette plateforme internationale d’essai clinique implique la mise en œuvre d’une méthodologie et de protocoles thérapeutiques identiques, que l’on se trouve en Australie, en France ou ailleurs dans le monde. Très ambitieux, cet essai compte parmi les plus importants en cours dans le domaine des maladies infectieuses. Chaque pays désireux d’y participer doit assurer le financement de l’inclusion des patients sur son territoire ainsi que la sélection des centres intéressés. C’est ainsi qu’en France métropolitaine et ultra-marine, 32 centres hospitaliers ont été retenus suite à l’appel du CHU de Rennes en sa qualité de centre coordonnateur national pour rejoindre le consortium. Grâce au soutien de la direction de la recherche et à cette mobilisation exceptionnelle, nous pouvons raisonnablement envisager d’inclure entre 500 et 1 000 patients français dans l’essai (sur 7 000 à l’échelle mondiale), soit 10 à 15 patients par an à Rennes. En mettant en commun les résultats enregistrés de par le monde, nous pourrions très vite évaluer les principales stratégies testées pour faire reculer la mortalité causée par les BSA dues à des souches sensibles ou résistantes aux antibiotiques.
En évaluant plusieurs stratégies anti-infectieuses par des essais cliniques conduits simultanément sur plusieurs continents, ces différentes stratégies vont pouvoir être comparées (combinaisons de traitements) dans trois domaines (antibiotique principal, traitement adjuvant et relais oral en lieu et place de la perfusion) avec pour critère de jugement principal la mortalité à 90 jours. Parce qu’elle est adaptative, la plateforme nous permet d’ajuster rapidement notre posture. Si par exemple, on s'aperçoit au bout de deux mois qu’un traitement donné est associé à certaines complications ou qu’au contraire il se révèle plus efficace que les autres, cela va accélérer l’identification des meilleurs traitements pour les patients et ouvrir la voie à de nouvelles hypothèses.
Le travail en plateforme internationale nous oblige, entre collègues du monde entier, à mieux travailler ensemble, à partager en direct nos résultats d’un pays à l’autre et à nous adapter en cours de route grâce aux multiples interactions induites par cet essai. C’est au Covid que nous devons cette nouvelle manière de faire de la recherche et le recours à ce type de plateforme. Certes, il s’agit d’une grosse usine au montage complexe mais cela vaut le coup car, une fois lancée, la plateforme nous permet de faire se succéder les hypothèses de recherche alors que, traditionnellement, un essai équivaut à un problème posé et à une réponse. Enfin si le projet s’était cantonné à la France, nous ne pouvions espérer de résultats robustes avant au moins cinq ans alors que là, nous avons bon espoir d’obtenir des données déterminantes dès l’année prochaine.
1. Bactériémies à Staphylococcus aureus - BSA
2. Staphylococcus aureus Network Adaptive Platform trial - SNAP