Innovation

CHU de Rennes : 1ère procédure de perfusion oxygénée normothermique permettant d’opérer le lendemain

Le CHU de Rennes expérimente un dispositif de conservation dynamique des greffons hépatiques permettant d’opérer le lendemain

Publié le

La transplantation hépatique (TH) est le traitement le plus efficace des hépatopathies chroniques ou aiguës parvenues à un stade terminal. Procédure d’urgence pour limiter la souffrance de l’organe privé d’oxygène, elle oblige à raccourcir au maximum le temps qui s’écoule entre le prélèvement sur le donneur et la greffe chez le receveur. Jeudi 18 mars 2021, les équipes de chirurgie hépatobiliaire et digestive du CHU de Rennes ont réalisé la première procédure de perfusion oxygénée normothermique avant TH : une nouvelle technique permettant d’allonger la durée de conservation du foie et ainsi de « programmer » sa transplantation.

Une technique innovante qui révolutionne la préservation d’organes

Depuis le début de l’histoire de la greffe, la technique de conservation des greffons repose sur le refroidissement : c’est l’ischémie froide (4 à 8°C). Le greffon est perfusé chez le donneur à l’aide d’un liquide permettant de ralentir les dommages causés par la privation d’oxygène, dite anoxie. Cette approche permet d’atténuer la souffrance de l’organe par une diminution de ses besoins en oxygènes mais impose une durée de préservation limitée. En effet, au-delà de 10h, les lésions deviennent trop importantes et il faut donc greffer au plus vite, généralement dans la foulée du prélèvement.

Une autre modalité de conservation, dont le CHU a été pionnier en France, est actuellement en plein développement : il s’agit de la perfusion hypothermique (8°C) oxygénée (HOPE, pour hypothermic oxygenated perfusion). S’il ne permet pas d’étendre le temps de conservation de l’organe, ce modèle de perfusion améliore la qualité du greffon grâce au maintien d’un apport d’oxygène pour l’activité métabolique résiduelle.

Les progrès survenus ces dernières années dans le domaine de l’assistance circulatoire ont permis de concevoir un système dynamique de préservation d’organe : la machine de perfusion oxygénée normothermique (37°C) (NOPE, pour normothermic oxygenated machine perfusion). Grâce à ce dispositif, l’organe n’est plus conservé de manière statique et au « froid », il est perfusé dans les conditions de la vie, c’est-à-dire à 37 degrés, avec du sang, de l’oxygène et des nutriments. L’organe, ainsi « ressuscité » sur une machine comme s’il était réimplanté dans un corps, peut être conservé sans souffrance et de manière prolongée pendant 10 à 24h. De nombreux travaux expérimentaux et cliniques ont montré la très grande supériorité de ce mode de conservation qui offre de nombreuses perspectives pour l’avenir comme de tester, traiter voire améliorer la qualité des foies avant leur implantation.

De la transplantation d’urgence à la transplantation programmée : un progrès majeur pour les patients comme pour les praticiens

Cette avancée majeure dans le domaine de la TH permet d’envisager la transformation de cette activité d’urgence en une véritable chirurgie programmée. En effet, lorsque le prélèvement intervient dans l’après-midi avant 18h, l’implantation (dont la durée moyenne est de 6h) est effectuée entre 22h et 8h soit aux heures où l’hôpital fonctionne sur le mode restreint de la permanence des soins…

20 % des greffes de foies, soit 20 à 25 par an, sont ainsi réalisées en nuit profonde au CHU de Rennes. La nouvelle perfusion NOPE pourrait être réservée à ces situations, les autres modalités de conservation (ischémie froide et perfusion HOPE) demeurant employées par ailleurs.

Pour les équipes du CHU comme pour les patients, ce mode de conservation innovant permettrait de transformer la TH en activité de jour au moment où les ressources humaines et le potentiel des plateaux techniques sont à leur optimum de fonctionnement. Les équipes de greffe transplanteraient aux heures programmables, tandis que les équipes de réanimation recevraient le malade en postopératoire tôt dans l’après-midi et non plus en pleine nuit. Les receveurs seraient appelés la veille et ne viendraient plus à l’hôpital en pleine nuit, mais tôt le matin. Moins de risques, de stress et plus de confort : un pari gagnant pour tous !