Événement

Aux urgences du CHU Rennes, comment l’IA a réduit de plus de 20% le temps d’attente

Le 26 septembre dernier, le CHU de Rennes et la start-up Incepto, spécialisée dans le développement et l’intégration de solutions d’intelligence artificielle (IA) pour l’imagerie médicale, ont organisé une visite immersive consacrée aux applications d'IA déployées au sein de l'établissement.

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En 2019, le CHU de Rennes est devenu l’un des premiers CHU à nouer un partenariat stratégique en intelligence artificielle (IA) avec la startup Incepto, spécialisée dans le développement et l’intégration de solutions d’ia pour l’imagerie médicale. Engagé dans une démarche associant co-développement et mise en oeuvre de solutions d’IA en routine clinique, il fait figure d’établissement précurseur en la matière. Au cours des quatre dernières années, il a acquis une expérience fondée sur l’usage quotidien de ces technologies et leur développement.

Parce que l’adoption de l’intelligence artificielle en médecine participe notamment à l’amélioration de la précision diagnostique et à l’optimisation des traitements, ce partenariat revêt une importance stratégique pour l’établissement hospitalier. Cependant, l’utilisation de l’intelligence artificielle en médecine soulève également des questions importantes en termes de responsabilité, d’éthique et d’utilisation sécurisée des données de santé. C’est pourquoi l’établissement de conditions d’utilisation responsables et efficaces de ces technologies dans la pratique médicale est interdépendant de l’usage clinique de dispositifs d’intelligence artificielle dans le domaine de la santé. Les normes de qualité et de sécurité qui ouvrent la voie à l’adoption de ces solutions participent ainsi de la triple mission de soin, d’enseignement, de recherche et d’innovation du CHU de Rennes. 

L'hôpital a fait des technologies pour la santé l’un de ses axes stratégiques, où l’IA occupe une place transversale. Le partenariat avec Incepto s’inscrit donc dans une dynamique plus large d’innovation et de collaboration visant à renforcer le positionnement du CHU comme centre de référence et d’excellence pour la recherche et l’innovation.

Utilisation en routine clinique d'une solution d'IA en imagerie médicale d'urgence : l'approche globale et original du CHU de Rennes

Face à la constante augmentation de la fréquentation des services d’accueil des urgences hospitalières (+7,3% entre 2021 et 2022 en France), l’amélioration de la gestion des flux est un enjeu primordial. Dans ce cadre, plus le diagnostic est posé rapidement, plus le parcours du patient est fluide. En 2020, au CHU de Rennes, 18% des passages aux urgences adultes relevaient de la traumatologie, avec un temps d’attente similaire quel que soit le type de traumatisme (fracture, entorse). Alors que l’interprétation d’un radiologue succède à tout examen d’imagerie, l’intérêt de tester une solution d’IA à l’intersection de ces deux étapes s’est rapidement imposé. Le CHU de Rennes s’est donc engagé dans le projet Désengorgement des urgences par l’intelligence artificielle (DUTI) piloté par le Dr Ulysse Donval, urgentiste, en lien avec la direction des services numériques et la direction de l’innovation du CHU. 

La particularité de ce projet mêlant innovation technologique et organisationnelle repose sur une approche transversale. Dès sa phase d’élaboration, le CHU s’est résolument inscrit dans une approche globale et structurée. Avec la mise en place du logiciel d’IA “BoneView” développé par la société Gleamer et distribué par Incepto, c’est l’ensemble du parcours de soin qui a été repensé. Ainsi, dès son admission et sur la base d’un questionnaire précis, le patient reçoit une prescription de radiologie et intègre la filière de prise en charge “petite traumatologie” avec un parcours de soin et un cheminement dédiés au sein même du service d’accueil des urgences. Après s’être rendu au service d’imagerie, il est ensuite reçu par l’urgentiste qui dispose alors d’une première lecture de l’image par IA qu’il s’agit de conforter. Les résultats issus de cette double lecture participent ainsi à une meilleure orientation du patient. 

Après plus d’un an d’utilisation, les résultats présentés en 2022 sont probants. La durée moyenne de passage a diminué de 21% pour les patients sans fracture et de 27% pour les patients avec fracture, soit une réduction d’1h à 1h20 d’attente. Le diagnostic est fiabilisé et la solution n’a pas engendré de sur-sollicitation de spécialistes ou de sur-prescription. Grâce à cette approche intégrée où l’IA s’insère dans l’organisation, la fluidité et la qualité de la prise en charge des patients relevant de la filière traumatologie ont été nettement améliorées.

co-construction : incepto et le chu de rennes engagés dans la création de solutios d'IA de dernière génération

Depuis 2019, le CHU de Rennes travaille avec Incepto au développement d’un algorithme d’aide au diagnostic du cancer de la prostate en IRM : “Paros”. En France, ce cancer est le plus fréquent chez les hommes mais également dans l’ensemble de la population et son dépistage précoce est essentiel à l’amélioration du pronostic des patients. 

L’IRM de la prostate est une technique d’imagerie de plus en plus utilisée pour la détection et le suivi de la maladie. Cependant, l’interprétation des images IRM de la prostate peut être difficile, notamment parce que d’autres pathologies peuvent ressembler à ce cancer. Cela nécessite donc une expertise très pointue de la part des radiologues qui, en s’appuyant sur ces images, vont ensuite les conforter à la lumière de différents éléments de contexte : antécédents du patient, comparatifs d’examens, analyse d’autres organes... 

Afin d’assister les radiologues lors de cette étape diagnostique, médecins et développeurs des deux structures partenaires ont décidé de combiner leurs expertises pour concevoir un algorithme d’aide au diagnostic capable d’accélérer et de conforter celui du praticien. 

Parce que le CHU de Rennes présente une forte activité en matière de traitement du cancer de la prostate et qu’il dispose d’un large parc d’équipements d’imagerie (IRM, scanner), l’établissement est rapidement apparu comme un terrain d’apprentissage de premier choix pour concevoir une telle solution d’IA. Pour aboutir à celle qui vous sera présentée, les équipes du CHU et d’Incepto ont traité dix années d’examens (2012-2022) pour entrainer l’algorithme à reconnaitre les anomalies (par exemple un nodule suspect de cancer) et leur attribuer un niveau de suspicion plus ou moins élevé selon la technique dite de l’apprentissage machine (ou machine learning). À ce jour, plus de 4 600 examens ont été collectés et plus de 2 000 ont été annotés par un ou plusieurs radiologues

Désormais utilisée en routine par les radiologues du CHU de Rennes qui continuent de l’alimenter, la solution leur apporte une assistance permettant notamment une interprétation plus rapide des images. Pour les médecins en formation, l’IA participe à faire du CHU un terrain d’apprentissage de premier plan. En imagerie, les jeunes radiologues peuvent de cette façon confronter leur lecture d’image à celle de la solution. Elle profite également aux urologues qui, grâce au rapport d’analyse généré par l’outil, préparent au mieux d’éventuelles biopsies en ciblant plus précisément la zone de prélèvement, améliorant ainsi la détection des cancers. Aujourd’hui, Paros est en passe d’être commercialisée et distribuée dans le monde entier.

Utilisation, innovation et évaluation : l'approche 360 du CHU de Rennes

Autrefois considérée comme de la science-fiction, l’intelligence artificielle est devenue en quelques années une réalité pour de nombreuses spécialités médicales. C’est particulièrement vrai dans le domaine de l’imagerie où le recours à l’IA à des fins diagnostiques est de plus en plus répandu. Engagé dans une vaste démarche d’utilisation, de co-construction et d’évaluation d’outils basés sur l’IA, le CHU de Rennes abrite différentes applications s’appuyant sur cette technologie. Certaines sont utilisées en routine clinique comme avec BoneView, d’autres s’y créent et continuent de se développer en faisant travailler ensemble médecins et développeurs, comme avec Paros. En matière de recherche et d’innovation, le CHU de Rennes a fait des technologies pour la santé l’un de ses axes stratégiques. Dans cette famille de technologies où cohabitent l’exploitation sécurisée des données massives en santé, télésanté, dispositifs médicaux ou encore monitoring, l’intelligence artificielle occupe une place singulière puisqu’elle y est considérée comme un outil irriguant chacune de ces thématiques. 

Aujourd’hui, de nombreux praticiens du CHU de Rennes s’engagent donc dans cette voie en utilisant, en codéveloppant ou en participant à la recherche sur les outils d’IA dans une large variété de spécialités : radiologie, anatomopathologie numérique, cardiologie, néonatalogie et urgences.